Armoiries familiales d’après les patentes de 1836.
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(Ce texte fut rédigé par Christophe de Fossa et publié dans L’Eventail n° 2 de mars 1998.)
Les comtes de Meeûs
d'Argenteuil
Il y a deux cents ans naissait Ferdinand de Meeûs, premier gouverneur belge de la Société Générale. Cinq de ses fils firent souche et leur descendance est devenue extrêmement nombreuse.
C’est la plus vénérable des associations de famille de notre pays : créée en 1942, l’Association familiale d’Argenteuil regroupe les très nombreux descendants du comte Ferdinand de Meeûs, dont le rôle financier dans les premières années de la Belgique indépendante fut déterminant. Comme l’a souligné son premier biographe, J. Thonissen, il contribua plus que tout autre à faire de la Belgique un des principaux centres de production de l’Europe. Nommé dès le 14 octobre 1830 par le gouvernement provisoire gouverneur de la Société Générale en remplacement du hollandais Repelaer van Driel, Ferdinand de Meeûs resta à ce poste jusqu’à sa mort en 1861. C’est lui qui, à la demande expresse de Léopold 1er, s’associa aux Rothschild pour émettre les premiers emprunts de la Belgique indépendante.
A droite : François-Joseph Meeûs (1765-1821) alors veuf de Marie-Thérèse van der Borcht avec ses cinq enfants, de gauche à droite Pierre, le fils aîné, Marie-Françoise, future vicomtesse de Roest d’Alkemade, Ferdinand, le futur gouverneur de la Société Générale. Henriette, future baronne de Macar, et enfin Anne, la cadette, future comtesse Martini.
Médaille offerte, selon une tradition familiale, par Napoléon 1er à François-Joseph Meeûs, qui assista à son sacre comme président du conseil général de la Dyle.
Jean-Baptiste Meeûs (1779-1856), frère cadet de François-Joseph et oncle de Ferdinand. Il fut à l’origine de la création du Jardin Botanique de Bruxelles.
Elisabeth Muller, troisième épouse de Jean-Baptiste Meeûs.
A droite : L'usine à gaz (1851). Grâce à Pierre-Joseph Meeûs (1793-1873), fils d’Henri et beau-frère de Ferdinand, les rues de Bruxelles furent éclairées au gaz dès 1821, 35 ans avant Paris. Aquarelle de Vervloet coll. Ville de Bruxelles.
Du Botanique au quartier Léopold
« Est-ce la faute de la Chambre si la France n’a pas d’hommes comme M. Meeûs ? », se demandait Stendhal dans ses « Voyages en France ». Né à Bruxelles en 1798, Ferdinand était sorti docteur en droit de l’Université de Louvain à l’âge de 23 ans. Devenu un banquier influent, il s’était immédiatement rallié à la Révolution belge de 1830, jouant un rôle politique actif durant la période révolutionnaire en qualité de membre du comité de sureté et de la commission des finances du gouvernement provisoire et comme membre du Congrès national. En 1832, il remplaça à la Chambre le libéral Charles de Brouckère et resta député (unioniste) de Bruxelles jusqu’en 1845.
Sous la direction de Ferdinand de Meeûs, la Générale s’engagea dans le financement à grande échelle de l’industrie et se transforma en banque mixte bien avant les autres banques du continent. Son rôle fut essentiel dans la politique du monopole des affaires financières et industrielles menées par la Société Générale, mais cette politique se heurta à des oppositions violentes. Plusieurs ministres, soutenus par la Chambre et les journalistes, menacèrent Léopold Ier de donner leur démission en sorte que le Roi dut renoncer à le nommer ministre d’Etat. Mais, en 1836, il lui accorda motu proprio le titre de comte transmissible à tous ses descendants mâles avec les mêmes armoiries que celles concédées par Charles II, roi d’Espagne, en 1688 à Jean-Philippe Meeus, fils de Walrand, échevin de la chambre des tonlieux de Bruxelles (branches éteintes aujourd’hui). En 1855, Ferdinand fonda le Crédit de la Charité, destiné à soutenir ou fonder des écoles catholiques pour les enfants de la classe ouvrière et à établir des refuges pour les vieillards et les ouvriers infirmes.
En 1822, Ferdinand avait épousé une de ses cousines, Anne Meeûs, fille de son oncle Henri-Joseph et sœur de Pierre-Joseph Meeûs (1793-1873), grâce auquel les rues de Bruxelles furent éclairées au gaz dès 1821, plus de 35 ans avant Paris !
Cousins germains par les Meeûs, Ferdinand et Anne Meeûs étaient également parents par leurs mères, nées toutes deux van der Borcht et elles aussi cousines germaines. Jean-Charles van der Borcht, leur aïeul, mort en 1735, était tireur d’or rue de la Madeleine et maître général des Monnaies. Il contribua à la fortune de ses descendants Meeûs, t’Kint, t’Serstevens et Matthieu, entre autres.
L’on trouve déjà un Nicolas Meeûs à Bruxelles en 1363 et un Henri Meeûs conseiller de la ville de Bruxelles en 1442. Il existe d’autres familles du même nom dont une est originaire de Rethy, en Campine anversoise et s’est établie au XVII, à Anvers, où elle est encore représentée.
François-Joseph (1765-1821)
Lors de la reprise des établissements industriels, au début du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Meeûs, représentant selon Goethals la dixième génération connue de la famille à Bruxelles, s’associa à la plupart des entreprises qui furent faites en Brabant. Par privilège, il fut autorisé en 1726 à établir une fabrique pour l’impression des toiles de coton peintes, à l’instar de ce qui se faisait en Hollande. Il avait épousé en 1699 Catherine van Cutsem. Leur fils Jean-François épousa pour sa part en 1756 Barbe d’Huvettere. Comme son père, il fut prévôt de la confrérie des âmes de l’église Notre-Dame de la Chapelle. Il eut neuf enfants. Le cinquième, François-Joseph (1765-1821), fut président du conseil général du département de la Dyle et assista en cette qualité au sacre de Napoléon. Après la chute de celui-ci, il fut membre des Etats-Généraux. Il habitait au Marché au Bois avec son épouse Marie-Thérèse van der Borcht, qui lui donna cinq enfants : Pierre-François, Marie (qui épousa en 1828 le vicomte François de Roest d’Alkemade, bourgmestre d’Alsemberg et de Linkebeek), Ferdinand (le gouverneur), Henriette (qui épousa, trois semaines après sa sœur Marie, le baron Ferdinand de Macar, gouverneur du Hainaut et de Liège) et enfin Anne. Celle-ci avait épousé le 7 mai 1822 le comte Martini, fils de Joseph Martini et de Josèphe du Bois de Vroylande.
C’est le lendemain, le 8 mai 1822, que Ferdinand épousa sa cousine germaine Anne Meeûs. Ces époux eurent onze enfants, tous nés à Bruxelles à l’exception du cadet, le comte Paul, qui naquit en 1841 à Ohain où Ferdinand s’était taillé un domaine de quelque mille hectares, Argenteuil. Pour financer l’industrialisation, la Société Générale avait en effet décidé de vendre une grande partie de son capital foncier, notamment dans la forêt de Soignes et, rien qu’au cours de 1836, année au cours de laquelle il fut créé comte, Ferdinand acheta 1145 ha. Il s’y fit construire un splendide château qui brûla dès 1847. Le château actuel fut reconstruit par Cluysenaer de 1856 à 1858. En 1937 et en 1938, la plupart des comte de Meeûs obtinrent d’ajouter à leur nom celui d’Argenteuil. Quant à la fortune mobilière de Ferdinand, elle était surtout composée d’avoirs dans les charbonnages.
A Bruxelles, Ferdinand habitait un splendide hôtel à la porte de Schaerbeek, au coin de la rue Royale et du boulevard Bischoffsheim, face à l’actuelle tour des finances. La propriété occupait tout l’espace compris actuellement entre la rue Van Orley, la place d’Orange (devenue place des Barricades), la rue de la Sablonnière, la rue Royale et le boulevard. Cet hôtel fut saccagé lors des journées de septembre 1830 car des ennemis de Ferdinand avaient réussi à faire croire à la populace qu’il s’agissait d’un orangiste. C’est en 1946 que la place de l’Industrie, à Ixelles, prit le nom de square de Meeûs pour honorer celui qui fut aussi le créateur du Quartier Léopold et qui fit don aux Rédemptoristes de l’église Saint-Joseph. En 1979, on y inaugura un buste de Ferdinand dû au ciseau de Geefs mais, peu de temps après, il fut dérobé de même que la réplique qu’on lui substitua.
Ci dessus : L'hôtel Meeûs, à la porte de Schaerbeek. Cet hotel fut détruit lors des journées de septembre 1830 par la populace, à laquelle on avait réussi à faire croire que Ferdinand de Meeûs était orangiste.
Le comte et la comtesse de Meeûs.
Anna de Meeûs
L’aînée des quatre filles de Ferdinand, Anna (1823-1904), fonda les religieuses de l’Adoration perpétuelle, qui s’installèrent d’abord rue des Sols puis rue van Maerlant. Une autre fille, Henriette, resta célibataire mais les deux autres se marièrent. Marie épousa un Français, le comte Auguste de Bruneteau de Sainte-Suzanne, et mourut quelques mois plus tard, lui laissant un fils. Quand à Marie-Louise, elle épousa son cousin germain le vicomte Franz de Roest d’Alkemade (fils de Marie-Françoise Meeûs). Des sept fils Meeûs, cinq se marièrent et furent à la base des cinq branches de la famille, encore toutes représentées de nos jours.
Prénommé Ferdinand comme son père, l’aîné des fils épousa en 1851 Idalie de Potesta. Leur fils Charles (1857-1945) fut bourgmestre de Neerrepen, bien provenant de sa première épouse la baronne Louise de Rosen. Epoux en secondes noces d’Anne du Bois d’Aische, il fut le premier président de l’association familiale, qu’il porta sur les fonts baptismaux. Il eut six enfants. Son frère Alphonse s’installa pour sa part à Vyle-et-Tharoul. L’actuel chef de famille, le comte Nicolas, est un arrière-petit-fils d’Alphonse. Il est agent de voyage à Huy et habite Vezin.
Le deuxième fils de Ferdinand, Henri, s’installa au château de Beernem, acquis par son père en 1838 avec 415 hectares et que lui-même vendit en 1904 à Auguste Lippens. Henri épousa aussi une Potesta, Amélie, cousine d’Idalie de Potesta. Il fut un administrateur du Crédit général liégeois. Leur fils Louis épousa en 1888 Anne Martini. Il mourut en 1924 et, peu de temps après, sa succession vendit Argenteuil et plus de 300 ha à une immobilière. Le château et quelque 13 ha sont aujourd’hui la propriété de la Scandinavian School.
Le comte et la comtesse de Meeûs et leur onze enfants devant le premier château d'Argenteuil qu'ils venaient de faire construire et qui flamba peu après en 1847.
Ludovic
Un des fils du comte Louis, Ludovic (1892-1961), s’était progressivement imposé dans les conseils d’administration de quatre sociétés papetières importantes et avait contribué à l’implantation de la Kredietbank en Wallonie via la Banque du Crédit général. Il présida le RACB et la société philatélique belge. De son mariage avec la comtesse Antoinette de Robiano, qui fut dame d’honneur de la princesse Joséphine-Charlotte, il avait eu deux enfants dont le comte Louis, né en 1927, qui poursuivit l’œuvre de son père en créant la s.a. Intermills via la fusion de trois des papeteries. Il a épousé Jacqueline Feyerick, dont il a trois enfants, puis, en secondes noces, Béryl Anisson du Perron. Autre fils d’Henri, le comte Edouard (1874-1944) fut à son tour administrateur du Crédit général liégeois. Lui s’installa à Kerkom (Saint-Trond) dont il fut bourgmestre. En 1913, il fut élu député, mais se désista en faveur de son suppléant, le journaliste Jean Ramaekers. Son fils Adhémar fut à son tour bourgmestre de Kerkom, de 1945 à 1970.
Autre fils du fondateur, le comte Joseph (1829-1910) épousa en 1855 Marie Grimprel du Goulot. Parmi leurs descendants, on peut citer le comte Jacques, qui pilota Albert 1er au-dessus des tranchées ennemies en 1917 et mourut peu de temps après, le 15 juillet 1917, lors d’un combat aérien à Vladsloo, le comte Jean (1889-1956), qui succéda en 1936 à Pierre de Burlet comme administrateur des biens belges du duc de Wellington (mille hectares cultivés par 125 fermiers), son fils Emmanuel, qui lui a succédé à sa mort, le comte Camille-Albert, qui présida les Manufactures céramiques d’Hemixem et de la Dyle, le comte Jacques, qui était directeur représentant le directeur général de la Compagnie des Wagons-lits et du Tourisme, et l’abbé Xavier de Meeûs, qui fut aumônier de l’Aéroport de Zaventem.
Le premier château construit par Ferdinand à Argenteuil fut détruit par le feu en 1847. Tableau de Van Schendel.
Francis
Huitième enfant de Ferdinand, le comte Eugène épousa à Ohain en 1866 Marie-Charlotte du Couëdic de Kergoaler. C’est lui qui fit construire le château de Nysdam, à La Hulpe. Sa descendance est très nombreuse. Son fils aîné, Francis, commandant, mourut pour la Belgique en 1918 à Maldeghem lors de la fameuse charge du 1er Guides à Burkel. En mai 1940, c’est son fils aîné Gérard, moine de Saint-André à Bruges, qui fut chargé par son Abbé de sauver les étendards belges à la demande du roi Léopold III. Le comte André, frère cadet de Francis, présent lui aussi à Maldeghem, survécut. Il arriva au grade de général-major et fut officier d’ordonnance d’Albert Ier, Grand écuyer de Léopold III et Grand-Maître de la Maison de la Reine Elisabeth. Il eut deux filles, Odette, baronne Pecsteen, et Françoise, baronne Carton de Wiart, et deux fils, les comtes Raoul et Hervé. Le comte Raoul, président du Concert Noble, épousa en 1934 Geneviève de Trannoy ; leurs trois fils, Henri Claude, directeur au Crédit communal, Alain, neurochirurgien, et André, ont obtenu en 1953 l’autorisation de joindre à leur nom celui de leur mère dont la famille, celle des barons de Trannoy, d’origine française, ne comptait plus de descendant. Quant au comte Hervé, il est l’actuel président de l’Association familiale.
Un autre fils d’Eugène, le Comte Albert, fut le père d’Adrien de Meeûs (1900-1976), journaliste à la Nation belge et au Soir, poète, mais surtout reporter (« Amusante Amérique »), romancier (« Au pays où les femmes sont reines ») et historien. On lui doit une « Histoire de Belgique » qu’il dédia en 1829 à son maître Henri Pirenne et qui connut un immense succès.
La charge de Burkel (1918) au cours de laquelle le commandant Francis de Meeûs tomba (Musée royal de l’Armée).
Anthony
Le comte Antoine, dernier des fils d’Eugène, épousa en 1922 l’Irlandaise Marie-Louise Egerton Castle. Habitant le château du Rouge-Cloître, à Auderghem, ils furent les parents d’Anthony de Meeûs, le fondateur en 1972 des Cahiers du Samizdat, qui firent connaître en Occident la littérature clandestine de l’Union soviétique. Modestement, Anthony de Meeûs a ainsi contribué à la chute du communisme. Son cousin germain, le comte Hadelin, ambassadeur de Belgique à Varsovie, eut également un rôle historique : en mai 1940, il fut chargé de l’échange des ambassadeurs belges et allemands, qui se passa dans la gare de Pontarlier.
Certains comtes de Meeûs contemporains furent attirés par les arts : Roger de Meeûs, banquier et châtelain de Boehle, fut aquarelliste, Christian est un spécialiste de la gravure sur armes et Gabriel restaurateur d’œuvres d’art. Sept demoiselles de Meeûs entrèrent en religion. Outre Anna, fondatrice des Dames de l’Adoration perpétuelle, on peut citer Marguerite-Marie (1905-1961), supérieure de la mission des Filles de la Sagesse à Elisabetha (Congo), Mère Marie-Eugène du Rosaire (1868-1905), franciscaine de Marie et supérieure en Angleterre, d’autres encore.
Peu de familles ont possédé autant de châteaux que les Meeûs. Outre Argenteuil, on peut citer La Hulpe, Bokrijk, Beernem, Vyle-et-Tharoul, Boelhe, Notre-Dame-au-Bois, Neerrepen, Boneffe, Lillois, Rouge-Cloître, Kerckom, Tongerloo, Anseremme, Senzeille et Vendoeuvres (Indre). Sans oublier les demeures prestigieuses à Bruxelles, comme le 73 boulevard de Waterloo, propriété de Pierre-Joseph Meeûs (frère de la comtesse Ferdinand de Meeûs), que celui-ci loua vers 1852 à Alexandre Dumas ; cet hôtel particulier fut alors le rendez-vous des peintres, des écrivains et des gens de théâtre.
L’association familiale publie deux fois par an un volumineux bulletin. La collection des bulletins est devenue une extraordinaire source de renseignements sur l’histoire familiale de même qu’un ouvrage récemment paru aux éditions « La Taille d’Aulme » et dû à Jean-Louis Van Belle, avec le concours du comte Hervé de Meeûs, président de l’association familiale.
Le château de Vyle-et-Tharoul.
Le comte Eugène de Meeûs (1834-1915) et les siens. De gauche à droite, debout : son fils André, son épouse née Marie-Charlotte du Couëdic de Kergoaler, sa fille Juliette (baronne William del Marmol), Albert, Cécile (qui entra en religion) et Francis (qui mourut lors de la charge de Burkel). Entourant leur père : Tony et Thérèse (baronne Edmond de Moffarts).
Ci dessus : Anna de Meeûs jeune fille, peinte par Portaels à 33 ans, et en supérieure des religieuses de l’Adoration perpétuelle.
Ferdinand au soir de sa vie.
L’église de fer.
Anne-Marie de Meeûs (1889-1965), qui épousa Pierre de Briey puis Aymar de Dampierre. Ici avec sa fille Marie-Louise de Briey (future duchesse des Cars) et son fils Guy de Briey, mort pour la France en 1940.
Le comte et la comtesse Louis de Meeûs, née Anne Martini.
Le second château d’Argenteuil, reconstruit par Cluysenaer de 1856 à 1858, dix ans après l’incendie.
Le comte André de Meeûs, frère cadet de Francis, accueillant Léopold III, le roi Baudouin et le prince de Liège, futur Albert II, au Stuyvenberg en 1965 pour les funérailles de la reine Elisabeth. Il était le Grand-Maître de la Maison de notre troisième souveraine.